loi-et-arts-martiauxDu tatamis de la salle d’entraînement au bitume du trottoir, en passant par les différentes démonstrations et autres compétitions fédérales, nombreuses sont les situations où le VO-SINH est susceptible d’engager sa responsabilité. Si le ĐẠO implique une maîtrise de soi, il en va de même du cadre légal qui interdit l’utilisation des techniques acquises dans le VÕ DỪÓNG.

Pour autant, il ne faudrait pas négliger les différentes obligations pesant sur l’association d’arts martiaux qui peut voir sa responsabilité engagée pour des situations qui sont loin d’être extraordinaires. L’art juridique peut donc parfois rejoindre l’art martial vietnamien traditionnel.

Responsabilité civile des Vo-Sinh

La pratique d’un art martial n’est pas exclusive de l’éventuel engagement de la responsabilité civile du pratiquant. Ceci que ce soit lors des entraînements ou en dehors de ceux-ci c’est-à-dire durant les compétitions (fédérales ou non). Engager sa responsabilité civile signifie être tenu de réparer, le plus souvent financièrement, le dommage que l’on a causé à autrui.

« Lors d’un entraînement combat qui se déroulait dans mon club, j’ai blessé mon partenaire. Suis-je susceptible de devoir lui verser des dommages-intérêts en raison de ce dommage ? »

Si le principe est que chacun est tenu de réparer le dommage qu’il cause à autrui, cela ne signifie pas que tout dommage entraine réparation. Ceci est d’autant plus vérifiable dans la pratique des arts martiaux.

C’est ainsi qu’en 2004, les juges ont déclaré que «  la responsabilité d’un pratiquant d’un sport de combat à risque, tel que le karaté, ne peut être engagée à l’égard d’un autre pratiquant, pour un exercice effectué au cours d’un entraînement, qu’en cas de faute volontaire contraire à la règle du jeu ».

Cette décision est transposable aux arts martiaux vietnamiens traditionnels et aux cas où le dommage aurait été engendré au cours d’une compétition.

Par conséquent, que l’on soit compétiteur ou non, que ce soit sur le terrain martial ou sur l’angle juridique, « le chemin de la victoire commence par la compréhension du règlement ».

Précisions toutefois que si les arbitres sportifs connaissent, en principe, le règlement fédéral, leur décision lors de la rencontre ne lie pas le juge dans l’appréciation du comportement des pratiquants. Ce qui signifie que ce n’est pas parce que l’arbitre considère qu’il n’y a pas eu violation des règles que votre responsabilité civile sera écartée (et inversement !). En effet, on distingue traditionnellement la faute civile (i.e. juridique) et la « faute caractérisée par une violation des règles du jeu ».

Il vous faudra démontrer, à l’aide d’un bon juriste, que votre technique était faite dans le respect des règles des arts martiaux vietnamiens traditionnels.

En tout état de cause, il est important d’avoir à l’esprit que la responsabilité civile du VO-SINH ne peut être engagée pour une simple imprudence ou une banale maladresse. Elle exige en effet un certain niveau de gravité.

« Lors d’un combat, j’ai blessé mon adversaire en faisant un coup interdit par le règlement. Les dommages-intérêts que je devrai verser seront-ils très élevés ? »

A titre liminaire, il convient de préciser que le montant des dommages-intérêts est fixé par le juge en fonction du préjudice subi. Par conséquent, ce montant sera faible si le dommage est d’une faible importance ; et sera élevé si le dommage est très important.

Au regard de ce qui a été précédemment indiqué, l’utilisation d’un coup interdit par le règlement fédéral engage, en cas de dommage, la responsabilité civile du VO-SINH. Toutefois, il convient de rappeler que la licence FFKDA (oui celle qui « augmente invariablement chaque année ») permet aux VO-SINH de bénéficier d’une assurance en responsabilité civile. Ce qui signifie, conformément aux stipulations du contrat d’assurance de responsabilité civile de la FFKDA, que le VO-SINH auteur d’un dommage est assuré contre « les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant lui incomber, en raison des dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs causés aux tiers ».

Le VO-SINH ne pourra pas bénéficier de cette assurance en responsabilité civile lorsque’il aura intentionnellement provoqué le dommage. Il faut entendre, ici, par « intentionnellement » le fait de rechercher le dommage.

Ainsi, si par l’utilisation d’une technique interdite le VO-SINH voulait obtenir des points ou montrer un beau geste, le dommage qui en résulte sera couvert par l’assurance. Au contraire, si ladite utilisation avait pour objectif de blesser son adversaire, l’assurance de responsabilité civile ne couvrira pas les conséquences pécuniaires du dommage.

Responsabilité civile de l’association sportive

La responsabilité civile de l’association sportive peut être engagée de différentes manières mais essentiellement en raison du comportement de l’un de ses membres et en raison de la violation de ses principales obligations.

Dans le cadre des organisations et manifestations à caractère sportif

La responsabilité civile de l’association sportive peut être engagée en raison du comportement fautif d’un VO-SINH conformément aux dispositions de l’article 1384 du Code civil. Cette responsabilité court quand bien même l’association n’aurait commis aucune faute car ce qui importe c’est le comportement du pratiquant.

C’est ainsi que l’association sportive engagera sa responsabilité civile dès lors qu’un VO-SINH aura causé un dommage en raison de la violation du règlement des arts martiaux vietnamiens traditionnels. A défaut d’une telle violation, la responsabilité civile de l’association sera écartée.

Précisons toutefois qu’un adversaire (VO-SINH d’une autre école, ou pratiquant d’un autre art martial) ne pourra pas se prévaloir des dispositions de l’article 1384 du Code civil à l’encontre d’un VO-SINH ou de l’association sportive.

Une fois encore, la connaissance du règlement fédéral est essentiel au non-engagement de la responsabilité civile.

Responsabilité à l’égard des spectateurs

Dès lors que la manifestation ou la démonstration nécessite l’acquisition d’un titre d’accès de type ticket ou billet, la responsabilité civile de l’association sera dite contractuelle. Ledit contrat comportant nécessairement mais implicitement une obligation de sécurité envers les spectacteurs.

Les manquements qui sont le plus souvent reprochés à l’organisateur sont le mauvais placement des spectacteurs et la mauvaise évacuation du public. Il faut donc tenir compte de la sécurité effective des spectateurs notamment lorsque la manifestation implique l’utilisation d’armes par les VO-SINH qui y participent.

En cas de manquement aux différentes règles de sécurité, la responsabilité pénale du dirigeant de l’association sportive pourra être engagée et ce, en vertu de l’article 223-1 du Code pénal, quand bien même aucun spectacteur n’aurait été blessé.

Responsabilité pénale des pratiquants

A la différence de ce qui a été vu pour la responsabilité civile, l’engagement de la responsabilité pénale signifie que l’auteur se verra appliquer des sanctions qui peuvent aller de simples peines d’amendes à des peines d’emprisonnement.

En raison de la pratique des arts martiaux vietnamiens traditionnels

Arts martiaux et légitime défense

« Si je suis victime d’une agression, serai-je considéré comme une arme en utilisant les techniques acquises au Tay Son Vo Dao ? »

Les techniques acquises lors des entrainements ne doivent évidemment pas être utilisées dans le but d’agresser autrui, pour autant elles peuvent servir de moyen de défense que ce soit pour soi ou pour un tiers.

L’article 122-5 du Code pénal dispose que « n’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte ».

Par conséquent la légitime défense pourra être retenu dès lors que les coups portés et les blessures faites à l’agresseur sont commandés par la nécessité de défendre sa personne ou celle d’autrui. Il n’y a point légitime défense lors les techniques utilisées l’auront été de manière disproportionnée et/ou n’auront pas été en réponse à une attaque présente.

Lors de l’utilisation desdites techniques il faut pouvoir raisonnablement croire que sa vie, ou celle d’autrui, est en péril ; l’appréciation du danger se faisant de manière concrète. Cela signifie qu’il n’est pas possible pour un VO-SINH d’un bon gabarit (1m98 et 100 kg par exemple) d’invoquer la légitime défense lorsque son agresseur était seul, dépourvu d’arme et d’un gabarit nettement inférieur.

Responsabilité liée aux grades et à l’enseignement

« Je suis un VO-SINH débutant et je participe à une démonstration / compétition, pour ne pas paraître ridicule m’est-il possible de porter une ceinture noire ? »

Bien que la couleur de la GIAY ĐAI ait une signification, il n’est nullement besoin de rappeler que le VO-SINH, sa personne et ses compétences, ne saurait se réduire à celle-ci. Le fait de porter une ceinture noire alors qu’un tel grade ne nous a pas été délivré, ou se prévaloir d’un DAN dont on n’est pas titulaire est non seulement condamnable moralement mais l’est également juridiquement.

En effet, les dispositions de l’article L.212-5 du Code du sport sont claires : « Dans les disciplines sportives relevant des arts martiaux, nul ne peut se prévaloir d’un dan ou d’un grade équivalent sanctionnant les qualités sportives et les connaissances techniques et, le cas échéant, les performances en compétition s’il n’a pas été délivré par la commission spécialisée des dans et grades équivalents de la fédération délégataire ou, à défaut, de la fédération agréée consacrée exclusivement aux arts martiaux ». Il convient d’y ajouter les dispositions de l’article 433-17 du Code pénal qui indiquent que « l’usage, sans droit, (…) d’un diplôme officiel ou d’une qualité dont les conditions d’attribution sont fixées par l’autorité publique est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000€ d’amende ».

Ainsi, seuls les pratiquants ayant obtenu officiellement leur ceinture noire fédérale sont autorisés à la porter lors de manifestations en publique.

« J’ai obtenu ma ceinture noire fédérale, de ce fait m’est-il permis de donner des cours en étant rémunéré ? »

L’article L.212-1 du Code du sport dispose que le fait de donner des cours contre une rémunération exige une qualification particulière en sus de l’obtention de la ceinture noire. La méconnaissance de cette obligation de qualification pour donner des cours contre rémunération est punie d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende. Il convient de préciser que cette peine est encourue tant pour le VO-SINH que pour le club engageant un enseignant sans vérifier qu’il répond aux exigences légales de qualification.

En raison des armes des arts martiaux vietnamiens

L’article 132-75 du Code pénal définit l’arme comme « tout objet conçu pour tuer ou blesser » et précise que « tout autre objet susceptible de présenter un danger pour les personnes est assimilé à une arme dès lorsqu’il est utilisé pour tuer, blesser ou menacer ou qu’il est destiné, par celui qui en est porteur, à tuer, blesser ou menacer ». Des juges ont déjà considéré un bâton comme une arme. Par conséquent, il est possible in extenso de considérer que les LONG GIAN, un sabre, une épée, une hallebarde et les autres armes faisant partie des dix-huit armes des arts martiaux vietnamiens traditionnels constituent juridiquement des armes.

L’article L.2338-1 du Code de la défense indique que le port des armes est interdit ainsi que le transport sans motif légitime. Par conséquent, il est conseillé aux VO-SINH souhaitant se rendre à un entrainement, une compétition ou une démonstration avec leurs armes de les transporter dans un étui prévu à cet effet. De plus, afin de pouvoir se prévaloir d’un motif légitime de transport de telles armes, il est préférable d’avoir sur soi sa licence FFKDA en cours.

A fortiori, il vous est fortement déconseillé de vous entrainer en plein air avec vos armes, qu’il s’agisse de vos LONG GIAN, de votre sabre ou de votre épée.

Grégory DORANGES

Tay Son Vo Sinh